Pourquoi je n'ai pas de "Maître" : petite philosophie du pouvoir dans une relation BDSM
FRAGMENTS INTIMESLE BDSM ?
7/13/202414 min read
Que ma sexualité soit transgressive n’est pas un choix prémédité. Cela doit être ainsi
et ce n’est plus la peine de tortiller, je veux au moins être maître de mon délit, y imprimer
la touche de ma volonté, m’en servir comme arme et comme guide.
Diana J. Torres, Pornoterrorisme
Beaucoup de personnes ont déjà questionné avant moi la notion de "pouvoir" au sein d'une relation BDSM. Il existe je crois autant de pratiques que d'adeptes, et autant de manières d'exercer que d'abandonner le pouvoir dans un jeu intime.
Lorsque nous participons à des événements BDSM, on me demande souvent si Syl est mon "Maître". Et je réponds toujours : "Non, il ne l'est pas, je n'ai pas de Maître" avec la plus grande fermeté et sincérité, en dépits du fait que nous partageons notre vie intime, sexuelle et affective dans le cadre d'une relation de couple exclusive depuis plus de cinq ans, et que le BDSM est chez nous un véritable art d'aimer.
Ce qui m'interpelle et justifie l'écriture de cet article, c'est l'étonnement voire l'incrédulité que je peux lire dans les yeux de mon interlocuteur, me poussant à devoir justifier mes propos. Nous le savons, notre conception du BDSM se heurte bien souvent à sa dimension traditionnellement perçue comme inégalitaire et hiérarchique, et à ces notions bien ancrées, intégrées et codifiées de "Maître" et de "soumise".
Un rapport BDSM − ou « jeu » − consiste je le rappelle, en une interaction affective et sexuelle entre deux parties, dont l’une est habituellement qualifiée de Maître et l’autre, complémentaire, de Soumis (pardonnez moi mais je vais délaisser l'écriture inclusive pour des raisons de fluidité, entendez bien que ces mots peuvent être conjugués à tous les genres imaginables), qui choisit consciemment de céder une partie de son pouvoir. – étant entendu que ces deux parties sont bel et bien consentantes et conscientes du « jeu » effectué.
Certes ces notions protocolaires sont de plus en plus questionnées, mais dans l'ensemble, le monde du BDSM continue de tourner autour de ces étiquettes normatives, comme une vérité ou un mode d'emploi établi par défaut qu'il faudrait suivre pour revendiquer la légitimité et l'authenticité de pratiques BDSM. Hors, il me semble que ces notions sont loin d'être anodines dans leur signification et dans ce qu'elles impliquent réellement.
Qu'on se rassure : mon but n'est pas tant de remettre en question la notion de "Maître" et de "soumise" dans les jeux BDSM, que d'interroger la mise en place systématique de tels codes sans qu'ils ne soient au préalable questionnés, discutés, négociés, avec l'autre et surtout d'abord avec soi même. Certains verront sans doute dans ces réflexions quelques masturbations intellectuelles peu utiles, et pourtant, je trouve intéressant de les partager ici. Car elles viennent interroger non seulement la construction d'un cheminement intérieur et d'un processus d'identification dont les conséquences sur la vie globale d'une personne ne sont pas si anodines, mais également la notion de pouvoir au sein d'une relation BDSM, notion à mon sens loin d'être suffisamment questionnée et débattue, en témoignent les nombreuses dérives dans ce milieu souvent fermé et dissimulé des regards.
L'abandon du pouvoir aux mains d'un "Maître" :
Le fantasme comme pulsion
La soumission sexuelle dans le cadre de rapports BDSM est au cœur de ma vie intime depuis toujours. Elle est le bois de mon feu, l'essence de mon désir. Et s'il y a bien une chose dont je suis certaine, c'est que je n'ai pas choisi.
Je n'ai jamais fait le choix de tels fantasmes de soumission, qui se sont imposés à moi dès le plus jeune âge dans des rêves d'enfant. Rêveries certes dissociées de toute conscience sexuelle - bien que déjà infiniment plaisantes - jusqu'à ce que l'adolescence vienne les érotiser et révéler leur vraie nature. Le besoin d'assouvir ce désir - ou plutôt ces obsessions et cet imaginaire intime si foisonnant s'est vite heurté à un profond sentiment de peur, de honte et de culpabilité, lorsque j'ai pris conscience vers dix ans de ce qu'ils signifiaient, de ce qu'ils disaient de moi, et surtout de leur caractère irrépressible. Au fil de mes premières expériences sexuelles, du haut de mon ignorance et de l’aveuglement propre à l'euphorie adolescente, ces fantasmes débordants - nourris par Histoire d'O, Serpieri, et autres contenus pornographiques - servaient de fil rouge à l'assouvissement de mes désirs, sans filtre, recul ni garde-fou. Plus je luttais contre cette part de moi, plus elle débordait, me poussant à m'engager dans des situations toujours plus dangereuses pour me rapprocher au plus près de mes fantasmes.
Je voulais être "la soumise parfaite", capable de tout abandonner par amour pour cet autre, qui par son désir me posséderait en totalité. L'autre, ce "Maître" tout puissant. Et, construisant en parallèle ma vie d'adulte indépendante, cultivant des valeurs fortes, engagées et féministes, je vivais cette dualité comme une équation impossible, un conflit intérieur dévorant. Comme si j’étais animée par deux pulsions contraires, m'attirant irrésistiblement vers des pôles opposés : un désir de soumission totale et absolue impliquant le renoncement à toute forme de liberté et de contrôle, et un désir d'accomplissement, d'émancipation et de libération de toute forme d'entrave. Comment alors concilier ces deux besoins fondamentaux apparemment incompatibles, sans trahir une partie de ce que j'étais - ou croyais être ?
Comment concilier un idéal de femme libre, fière et affranchie, avec cet idéal fantasmé de soumission sexuelle totale à l'autre ? Peut-on être féministe et pratiquer le BDSM ? Si oui, cela signifie-t-il que je ne suis pas une "vraie soumise" ? C’est quoi d’ailleurs, une vraie soumise ?
"Maître" et "soumise" : le BDSM forcément inégalitaire et hiérarchique ?
J'ai longtemps questionné ce paradoxe, à la recherche de réponses et de sens à donner à ces tiraillements intérieurs qui m'ont longtemps - comme beaucoup je pense - amenés à refouler mon désir de peur qu'il n'engloutisse tout le reste, avant de réaliser peu à peu que la question n'était pas tant liée à la nature même de mes pratiques sexuelles qu'à la manière que j'avais de me définir par elles, la force avec laquelle je m'identifiais à ce rôle de "soumise" et donc identifiais l'autre dans son rôle de "Maître".
Est "Maître", par définition, celui qui possède, et donc détient quelque chose qui ne s'appartient plus lui-même, qui n'a plus d'existence propre si ce n'est à travers la volonté de son possesseur. Un "Maître", cette entité intouchable et toute puissante, détiendrait donc un pouvoir total sur ce que je suis et sur ma vie, un pouvoir qui ne pourrait être remis en cause, questionné, négocié. Un dieu qu'il faudrait adorer, vénérer, comme le font et l'encouragent certaines "soumises" sur la plupart des blogs en ligne.
D'emblée, quelque chose résiste en moi à cette idée, quelque chose qui vient heurter nos convictions et valeurs communes. Nous qui portons l’idéal politique d'une société égalitaire et sans hiérarchie, où la notion même de "propriété" est abolie, comment pourrais je être sa propriété ? Nous qui dénonçons l’exercice du pouvoir comme outil d’asservissement, comment pourrions nous nous reconnaître dans ce schéma sans trahir nos convictions ?
Au sens littéral, les termes, "Maître" et "Soumise" ont par nature quelque chose de définitif et d'absolu. Il est facile et tentant de se laisser définir par eux, tant ils viennent rassurer les questionnements identitaires, le besoin de donner du sens à ce qui nous traverse, le besoin d’identification et de contrôle - ou d'abandon du contrôle. Il est donc facile de s'y enfermer, de leur donner les pleins pouvoirs - et donc de donner le plein pouvoir à son partenaire ou de se croire tout puissant par rapport à l’autre.
C'est, je pense, à ce moment que le basculement peut avoir lieu : lorsque viennent se confondre, dans la quête effrénée de l’assouvissement du désir pulsionnel, fantasme et réalité ; lorsque ce désir prend le pas sur tout le reste, lorsque le rôle devient identité, le rêve réalité, et la volonté propre sacrifiée au nom de l'assouvissement du désir, de la pulsion. Un peu comme un consommateur de drogue dominé par sa propre pulsion, basculant dans un processus d’autodestruction plus ou moins conscient : reconnaître en l’autre un « Maître » me permet d’abandonner ma responsabilité personnelle, de fuir une partie de la réalité, de légitimer une situation d’emprise.
Pas de jugement moral ici, car tout un chacun est évidemment libre de ses choix. Cependant, en m’identifiant totalement à cette identité de « soumise », je sacrifie ma volonté personnelle, j’abandonne en tout et pour tout mon propre pouvoir ainsi que ma responsabilité face à ce qui m’arrive, et donc je rend possible les situations d’abus que la personne dominante peut légitimer par sa condition de « Maître ». Pour l'avoir vécu, le BDSM peut s'avérer être autant un outil d'émancipation - et c'est l'objet de cet article ! - qu'un piège dans lequel on s'enferme sans vraiment le percevoir en définissant et en nommant l'autre "Maître" au sens littéral.
Pour ma part, ce n'est que des années plus tard et parvenue au terme d'un long cheminement que j'ai réalisé que je pouvais décider d'incarner ce rôle de soumise lorsque je le choisissais, par amour et dans un certain cadre seulement, sans m’identifier totalement à mon fantasme, sans qu’il ne devienne ma réalité intérieure et extérieure. J'ai alors commencé à appréhender différemment ma vie sexuelle, sans réduire tout ce que j'étais à cette unique part. Parce que la laisser me définir entièrement signifiait renoncer à toutes les autres parts qui m'habitent, à mes valeurs, mes aspirations, et à ma vie. "Puisque je ne peux réfréner ce désir, je vais apprendre à vivre avec lui de manière à en faire quelque chose de beau, d'épanouissant, quelque chose qui ne m’empêcherait pas de renoncer à ce que je suis et s'intégrerait à toutes les autres composantes de ma vie." Cette décision a marqué un tournant dans ma vision du BDSM. Depuis ce jour, en reprenant ce pouvoir et en dissociant le domaine du fantasme et ce que je souhaite réellement expérimenter avec l'autre, je n'ai plus jamais pu me définir comme "soumise" au sens absolu et définitif du terme, ni considérer l'autre, mon Amour - et mon égal - comme mon "Maître".
Le BDSM : Avant tout un choix libre et conscient
Ayant réalisé que mes fantasmes étaient comme une soif qui ne pourrait jamais être étanchée à moins de sacrifier ce que je suis, et ayant cessé de m'identifier à ce rôle, j’ai commencé à réellement m’épanouir dans ma vie sexuelle et à voir le BDSM non comme le simple assouvissement de pulsions ou une sorte de fuite en avant, mais au contraire comme une extraordinaire façon de pouvoir accéder à mon propre pouvoir intérieur et à ma liberté.
Liberté de choisir avant tout, puisque fondamentalement, le BDSM doit relever d'un choix conscient, libre et éclairé : JE choisi de me donner à aimer de cette manière là, je choisis consciemment de céder une partie de mon pouvoir. C'est par ce consentement, cette mise en scène et l’établissement de règles bien définies en amont que le BDSM rend possible l'accomplissement de tels fantasmes, et garantit la sécurité physique et morale des partenaires. Ce pouvoir de décision, à l'origine de tout rapport, est donc indissociable d'une relation BDSM, sans quoi il s'agit de relation d'emprise impliquant une forme d’appartenance, et le renoncement à sa liberté fondamentale.
Le lien qui nous unis avec Syl est un amour fondé sur ce principe, qui nous permet de donner vie à ces désirs et jeux BDSM tout en cultivant une relation de couple exempte de toute notion de pouvoir sur l’autre. Bien que la soumission sexuelle soit pour moi l'acte d'aimer par excellence, le seul Maître que je puisse reconnaître aujourd’hui est mon désir et la liberté de le vivre comme je l'entend, en donnant et en abandonnant dans ma pratique non pas ma personne, mon existence, mais une partie de ce que je suis et qui demande a être encore plus libre, à être transcendé.
J’ai besoin d’être bâillonnée pour mieux crier, de souffrir pour accéder à la jouissance, d’être entravée pour pouvoir me débarrasser des liens qui m’enferment, et lui, en rendant possible cette transcendance par son amour, n'a plus rien à voir avec un dieu tout puissant que l’on pourrait qualifier de « Maître » : il devient le magicien, l'artiste, l'alchimiste, celui qui exauce mes prières, me révèle, me rend davantage à moi-même au lieu de m'aliéner.
"Maître" et "Soumise" : Des méta-rôles ?
Oui, le rapport BDSM, ou jeu, ne peut exister que dans l'expression de ce désir mutuel et quelque part, ce n'est que tant que le dominant se soumet au désir et aux limites de son partenaire qu'il peut être dominant, et pas despote.
Il n'est donc jamais tout puissant, il n'est pas « métamaitre ». Je dirais qu'il est plutôt maître d'œuvre du jeu qui se déroule, et la notion de « Maître » et de « Soumise » ne sont alors que des représentations mentales, des rôles fantasmagoriques servant d'exutoires et de catalyseurs pour atteindre ensemble cette alchimie à travers nos jeux. Une histoire qu'on se raconte ensemble dans laquelle je peux être esclave, déesse, animale et tant d'autres choses que je décide d'invoquer, et lui bourreau, prince ou démon, ou tant d’autres choses.
Des costumes cousus pour donner sens à cette danse, où l'un mène et l'autre se laisser mener. Et moi qui me laisser guider, je deviens celle sur qui celui qui me domine matérialise la coïncidence de nos désirs. Mais la danse se fait à deux, une chorégraphie dans laquelle chacun est agi par le don de l'autre, dans laquelle chacun nourrit l'autre.
Une autre définition de ce qu'est le pouvoir en somme, ou « Maître » et « Soumise » exercent et abandonnent chacun un certain pouvoir, tout au long du jeu. C'est dans la différence entre "avoir du pouvoir sur", à dimension oppressive, qui implique la perte du pouvoir du l'autre, et "avoir du pouvoir pour", qui stimule et encourage l'autre, donc augmente son pouvoir, que réside cette autre définition. Le BDSM perd sa dimension traditionnellement perçue comme inégalitaire et hiérarchique : chaque partenaire mobilise un certain pouvoir, contribue et prend quelque chose de l'échange, dans une dimension réciproque (qui ne contrevient en rien à la structuration dominant/dominé du rapport !)
Le dominant est dominant en tant qu’il est l’être actif, il matérialise la coïncidence des désirs, mais il n'est qu'acteur de cette danse, au même titre que le dominé, qui bien que passif dans son rôle, tient les règles du jeu et les établi, prenant paradoxalement le méta-statut de dominant.
Dans la mesure ou il est en réalité soumis au désir et aux limites du dominé, on pourrait penser que le jeu perd son sens, sa raison d'être. Qu'aurait-il à gagner en effet, s'il ne peut réellement assouvir son désir de pouvoir et de toute puissance sur son partenaire ? Cela ne fait-il pas de lui le véritable soumis de l'histoire ?
Loin de n'être qu'un jouet aux mains des désirs de son partenaire, celui qui domine détient en réalité un tout autre pouvoir. Son rôle lui confère en effet une posture que seul le BDSM peut lui octroyer : en cessant de réprimer ses pulsions sadiques / contrôlantes et en leur donnant vie dans un cadre sécurisé et sécurisant pour lui et le dominé, et parce que le dominé consent préalablement à ce qui aura lieu, il peut se laisser aller, et en devenant objet de la soumise, atteindre le statut d'innocence, au sens philosophique du terme.
Il devient innocent dans le sens où il renonce à exercer sa tyrannie, il renonce à "la faute" morale que représenterait l'assouvissement de ses pulsions dans leur pleine expression. Il peut exercer sa volonté de maîtrise, sa pleine responsabilité, et atteindre un statut d'innocence propre à celui qui agit au nom de l'autre, qui n'a pas de pouvoir sur mais un pouvoir pour. Tandis que le dominé, en se laissant aller au désir du dominant, délaisse le contrôle, se fait faire ce qu'il désire, et par ce consentement généralisé, il atteint lui aussi l'innocence. « Diaboliques, en toute innocence », comme ça nous va si bien !
Outrepasser le consentement fondamental de cette union, bien que ses limites relatives peuvent être explorées par le dominant, tout comme un professeur pourrait aller un peu plus loin que ne peuvent comprendre ses étudiants en restant à l’affût de leurs réactions, confine cependant le dominant à l’abus et à la barbarie, et à la perte du statut d'innocence.
Et c'est dans doute de là que provient ce sentiment de « pouvoir » ressenti paradoxalement par celui qui se soumet, comme une sorte de recherche inconsciente, comme si le véritable pouvoir ne pouvait finalement exister qu’à travers cet apparent « abandon de pouvoir » : son consentement déclenche l’innocence du BDSM, et ils devient la condition de possibilité de la désactivation des rapports de pouvoir.
Le BDSM comme espace de liberté et d’émancipation
Dès lors, le BDSM permet l'exploration d'un espace de liberté où les seules limites sont celles fixées par les partenaires. Pour moi, c’est un lieu d'exploration et d'expression de cette part enfouie qui n'existe que dans les pratiques liées à la soumission sexuelle et à l’abandon d’une partie de ce que suis. La douleur, l'humiliation, la restriction me poussent dans mes retranchements, forcent mes résistances pour venir chercher ce qu'il y a au fond, ce qui veut crier.
Et ce n'est plus le renoncement à ma liberté fondamentale que je recherche, celle qui me permet de choisir d'explorer ces territoires, et d'en revenir. Ce n'est pas l'abandon de ce que je suis qui m'intéresse, c'est l'abandon de toutes mes résistances, couches par couches, toutes celles qui m'empêchent d'accéder à cette part animale, instinctive, sauvage, ces résistances qui m’empêchent de me sentir si pleinement vivante et vibrante, à l'unisson avec lui. Loin de me dépouiller ou de me dissoudre, la soumission me rend à moi-même. A mon ventre, mes tripes, ma force ; à tout ce qui ne peut m'être enlevé. A l'extrême limite, il ne reste que moi. Et un puissant et paradoxal sentiment de liberté.
La liberté. Mot monument chanté par les poètes, décortiqué par les penseurs et toujours regardé avec méfiance par les dirigeants. C’est surtout un terme dont la définition varie en fonction de chaque individu. Un enfant dira que sa liberté, c’est de pouvoir faire ce qu’il veut quand il veut, tandis qu’un malade estimera que sa liberté consiste à recouvrer la santé et qu’un amoureux passionné verra sa liberté dans le fait de s’oublier dans les bras de son aimé. Pour moi, la liberté est le fait de pouvoir m'abandonner à mes désirs les plus intimes, les plus instinctifs, les plus réprimables en toute sécurité, et surtout dans l’amour.
Dans ce rôle émancipateur et libérateur, le BDSM revêt une forme d'outil permettant d'accéder à ce qu’il y a de plus profond, de plus vrai en soi et en l’autre, à travers l'anéantissement symbolique du pouvoir sur soi même qui rend possible une forme de dissolution temporaire de l'égo, de ce qu’on croit être, de ces peurs et croyances qui nous limitent. Limites que je peux dépasser et dont je peux m’affranchir dans ces vastes espaces de jeux et d’expérimentations. Le BDSM devient alors un art d'aimer bien plus qu’un art de vivre, et je retrouve mon pouvoir en me débarrassant de mes entraves, je retrouve la confirmation d’être en vie, la certitude d'être libre, fondamentalement libre, la certitude qu’il suffit de regarder d'un œil neuf et se mettre à pencher la tête pour voir mille dimensions qui peuvent se conjuguer en une seule, la nôtre.