L'autre jour, je me faisais une réflexion : la société met un point d'honneur à différencier l'art supposé "noble" et la pornographie, de tout temps jugée triviale et dérisoire d'un point de vue culturel. Et pourtant, au-delà des représentations qu'on en a, je peux dire que je connais un grand nombre d'œuvres d'art vulgaires, et d'images pornographiques sublimes.

En tant que créateurs de contenu pornographique avec Syllun Art, nous en offensons plus d'un.e, nous le savons. Nous sommes régulièrement confrontés à la censure des réseaux sociaux et à l'incompréhension de notre entourage lorsque nous tentons d'expliquer notre démarche (une des raisons d'ailleurs pour laquelle nous avons fait le choix de de ne pas réveler nos visages sur nos photos.) Oui, les images que nous diffusons sur internet sont "classées X", et pourtant, elles s'inscrivent davantage dans une démarche artistique que dans une optique de vendre un contenu uniquement pensé pour exciter, formaté et codifié par le marché du X.

Nous utilisons notre appareil photo comme un objet érotisant lors de nos jeux sexuels, comme un miroir. Nous essayons de capter des instants de cette danse sexuelle le plus naturellement possible, sans poser, avec des photographies prises sur le vif. C’est aussi pour cela que nous ne retouchons pas nos images, nous les diffusons telles qu’elles, pour restituer la vérité et la liberté de ce que nous expérimentons, pour refléter un instant brut, rééllement vécu. Nous mettons notre sensibilité artistique dans tout ce que nous faisons, y compris le sexe. Nous voyons dans notre union, notre désir, notre plaisir, nos corps, quelque chose de beau, de magnifique.

Oui, ces images sont dites "pornographiques", dans le sens où elles exposent nos corps et notre plaisir sexuel sans filtre, sans aucune censure ni artifice. Et pourtant, nous rejetons les codes du porno mainstream, nous ne cherchons pas à nous calquer sur un modèle prédominant, mais à affirmer notre sensibilité et notre amour en diffusant ces images. Nous essayons de proposer un autre imaginaire pornographique, un porno plus créatif dirons nous. Parce que nous nous aimons simplement, sur ces images. Parce que nous rejetons l'idée que la sexualité doive être taboue, nous voulons au contraire la célébrer. Cela est difficile à faire entendre sans recevoir de jugement, d'autant plus que c'est au travers de pratiques BDSM que nous nous "célébrons" ;)

Mais au-delà de nos déboires avec la stigmatisation du porno en général (que nous partageons certainement avec l'ensemble des travailleur.e.s du sexe (et amateurs), nous nous sommes assez vite rendus compte, en nous immergeant dans cet univers, de la profonde divergence entre ce que nous créons et la domination hégémonique du porno dit "mainstream", coulée dans le même moule, qui inonde internet grâce aux plates-formes gratuites. Un moule dans lequel l'Art ne semble que peu trouver sa place. Comme s'il s'agissait de deux concepts impossibles à réunir, à part, bien sûr et je ne veux surtout pas les oublier, par quelques artistes et courants alternatifs féministes obligés de forcer le passage et de justifier leur démarche face à l'écrasante vague du porno mainstream. Même si nous n'en sommes certainement pas de purs affranchis, nous sommes obligés de nous questionner souvent face à cette réalité : Quelle place est accordée aux créatifs, proposant autre chose que ce que vend l'industrie du hard ? Comment diffuser et valoriser notre démarche et nos créations au milieu de tout ce bordel ?

Dans cette optique, nous sommes en quête perpétuelle de nouveaux canaux de diffusion pour partager nos créations, hors des sentiers battus. C'est pourquoi nous sommes si heureux et fiers d'avoir fait le mois dernier la couverture de la 11ème édition de JADED MAGAZINE ! (Vol.1 Issue No.11 Book 3), un magazine imprimé et numérique, alternatif et indépendant, qui met à l'honneur dans ses publications trimestrielles les œuvres de créatifs qui sont marginalisés, étouffés ou censurés par le grand public ou les réseaux sociaux, parce que leurs œuvres ne s'inscivent pas dans les moules des normes sociales standardisées et traditionnellement acceptées. Pour les citer :

"Le magazine accorde une grande priorité à la valeur artistique du travail que nous acceptons. Notre objectif est de produire un projet d'anthologie visuelle composé d'une esthétique avant-gardiste des beaux-arts se concentrant sur la créativité et le travail inhabituel / artistique mettant en vedette l'art érotique, le sensualisme, le fétichisme artistique, l'art-nu et l'érotisme surréaliste, qui a des qualités conceptuelles, atmosphériques/moody, expérimentales.

Notre objectif est de fournir une représentation tangible de ce type de travail dans un format de galerie/exposition d'archives "portable", dans lequel les créateurs peuvent être fiers de participer, d'afficher et de partager avec les autres.

Nous croyons que les plateformes de médias sociaux sont de nature transitoire et soulignons l'importance des projets créatifs dans lesquels les créateurs ne sont pas à la merci et aux contraintes des plateformes numériques. Nous sommes convaincus que pour la postérité de l'art, un exutoire physique, une présence et une voix pour ceux qui prennent des risques avec leur vision, mais qui sont régulièrement ostracisés ou négligés au profit du «confort» traditionnel du lieu commun est impératif."

Si vous ne le connaissez pas encore, je ne saurais que trop vous conseiller de découvrir leurs magazines, disponibles ici : https://www.magcloud.com/browse/magazine/1754782

Vous pouvez également retrouver le numéro dans lequel nos photos sont publiées :

https://www.magcloud.com/browse/issue/2385066

https://www.magcloud.com/browse/issue/2385075

"Nous ne sommes pas ordinaires.

Nous ne sommes pas ceux attendus.

Nous ne sommes pas des clichés.

Nous sommes BLESSÉS."

(Jaded Magazine)